Lutte-et-rature...

(je tiens à dire déjà que c’est vraiment intéressant de comparer mon point de vue de simple lectrice avec vos points de vue de lecteurs ET écrivains… ben oui, c’est ce qui domine ici, je me sens cernée de grandes plumes acérées, parfois )

Bon, attaquons donc… pour moi, la littérature c’est un moyen. Un moyen de faire passer des idées. De protester. De proposer. Ou alors uniquement de se distraire, mieux, de s’évader, de découvrir… du moins, ce sont les plus importants à mes yeux.

Je vous disais, c’est mon point de vue de lectrice. Je ne vois pas la littérature comme un but. Je suis bonne en cours de français, mais en fait, je n’ai jamais vraiment aimé ça… parce que je déteste les commentaires, les analyses, je déteste décortiquer un texte jusqu’au sang, il me semble qu’il perd toute sa beauté. Je n’ai jamais compris pourquoi il fallait chercher au fond de chaque mot ce que l’auteur a bien pu y fourrer, au risque d’être totalement à côté de la plaque, et pourquoi faire des listes de procédés littéraires. Je prendrai en exemple des poèmes de la Résistance disséqués étudiés il y a deux ou trois ans : au lieu d’y voir une magnifique ode à la liberté, à la paix, etc… on les considérait comme une addition de procédés et de figures de style. Je pense que, bon sang, les auteurs étaient plus préoccupés de faire bouger leurs fesses aux français terrorisés que d’écrire une belle œuvre bien littéraire… non ?

Voilà, j’espère que vous comprenez maintenant ce que j’entends par moyen plutôt que but…
Ça n’empêche pas que je lise sans cesse, que je vénère certains auteurs, que je sois curieuse de tous les genres…
Je suis peut-être trop philosophe/politique, plus qu’artistique, en fait.

Point de vue intéressant Meresanhk. Je te répondrai donc en littéraire.

Pour moi, faire des analyses de texte, c'est déjà mieux comprendre le texte, mieux comprendre ce que l'auteur a voulu faire passer à travers son oeuvre. Parfois oui, on est peut-être à côté de la plaque, mais l'important est d'exercer son esprit d'analyse et de lire le texte intensément, et non pas en le survolant et en comprenant "à peu près". Au début, j'avoue que moi aussi je me demandais le pourquoi du comment, pourquoi trouver à tout prix des axes de lecture? Hé bien simplement pour savoir lire un texte sur deux plans différents, essayer de comprendre ce qui se passe derrière, comme je t'ai déjà dit, même si on y arrive rarement. Mais c'est cela qui est intéressant : on ne peut pas tout savoir. On n'est pas dans la tête de l'écrivain, on suppose. D'ailleurs, parfois, j'imagine que l'écrivain n'a pas voulu dire ce que nous analysons, mais que son inconscient s'en est mêlé. Bon après ce n'est plus de la littérature mais de la psychanalyse.

Pour le "moyen", je suis tout à fait d'accord. La littérature est avant tout un espace d'expression et de partage.

Quant aux figures de style, je ne suis (encore) pas d'accord avec ce que tu dis. Il ne faut pas voir QUE la figure de style du genre "tiens voilà une hyperbole" mais le moyen que l'auteur a choisi pour faire passer un moment fort. Exemple, dans le Cid de Corneille, Chimède dit à Rodrigue "Va, je ne te hais point". Il ne faut pas se dire "bon c'est une litote, ça veut dire qu'elle l'aime, point." Il faut y voir quelque chose, à mon sens, de complètement hyperbolique. Ces quelques mots montrent à quel point sa passion est dévorante, et que, au vu des circonstances, elle est plus ou moins obligée d'employer cette façon de dire par pudeur. Pour moi, ce "va je ne te hais point" si célèbre vaut bien tous les cantiques à l'amour, tous ces poèmes exaltés qui chantent la passion à son paroxysme. Tout est dans le sous-entendu

Après, ce n'est qu'un avis.

Pour conclure, je dirais donc que, à force de décortiquer des textes, on apprend à mieux lire, à lire plus facilement donc, et à avoir accès au niveau supérieur. Maintenant, je ne sais pas ce que tu fais comme études, si tu es au lycée, c'est vrai que les méthodes sont beaucoup trop scolaires et peu intéressante, c'est beaucoup mieux à la fac, à mon sens.

Je suis en S (hum, oui, matheuse) et bien que j'ai cette année un prof génial, qui, justement, ne fait pas apprendre des biographies et des analyses sèches, mais raconte... je garde un très mauvais souvenir de la 3e et la 2de TT

Mais je pense que ce n'est pas tellement une question scolaire. Je peux très bien réfléchir pendant des heures sur un bouquin qui m'a marquée, relire, fouiner, creuser, me faire mon idée, mais je n'aime pas le faire mathématiquement, on va dire (le paradoxe...)
Comment dire ? Je trouve que parfois ça confine à l'absurde. Même dans un registre non littéraire, par exemple la peinture, on est capable de pondre des volumes concernant ce que l'artiste a bien pu vouloir exprimer par ce merveilleux carré rouge...
Bref, je pense qu'on peut se poser un millier de questions sur un texte, et que ce texte peut nous apprendre des milliers de choses, sans avoir à le disséquer. Peut-être que j'arrive à plonger loin dans le texte sans besoin de décortiquage. Ou alors que je ne comprends rien à rien quand je lis...

Je ne peux pas m'empêcher de penser qu'agir, après réflexion, vaut mieux que se creuser la tête sans fin... Il y a une phrase qui m'a marquée dans la préface de Vingt ans après de Dumas, par Dominique Fernandez : "Dumas ignore cette anorexie contemplative qui est notre mal du siècle. Devant une pomme, au lieu de s'abîmer dans une stupeur rêveuse, il étend la main, s'en empare et la mange."

(désolée si je pars dans tous les sens et que je me fais mal comprendre)

Je considère à la fois la littérature comme une entité à part entière et comme quelque chose qui s'imprègne du monde, des choses, qui est à la fois un reflet et un compagnon. Vos points de vue à toutes les deux sont vraiment intéressants, et quelque part, ils se complètent... Même si j'avoue que j'ai plus tendance à aller dans le sens d'Astral.
La littérature est un moyen, certes, mais c'est aussi... Enfin, c'est plus que ça, puisque la littérature possède quelque chose. Mais sans lecteurs, sans auteurs, elle n'existe pas...
La littérature est à la fois art et technique, sans doute Pour moi j'avoue que disserter là dessus serait passionant, mais me prendrait toute la journée

EDIT : Messages croisés... Mais voilà, c'est ça Meresankh. La littérature, c'est la pomme, comme la vie. Je ne dois pas avoir la même édition que toi de Vingt ans Après, mais...

Pour faire encore des parallèles : je joue de la musique, et je suis bien d'accord que la technique est nécessaire. Mais il n'y a pas que ça...
(heureusement d'ailleurs *air souffrant* )


(Andromède : j'ai tout bêtement une édition folio de 20 ans après. Et oui, )