Jacques Chessex
Le vampire de Ropraz
Roman
Couverture illustrée (photographie de S. Prada)
Collection "Ceci n'est pas un fait divers", Grasset, Paris, 2007
Les montagnes suisses, au début du XXème siècle, cachent des peurs ancestrales et de lourds secrets. On y craint encore les sorcières, on y fabrique encore des potions étranges, on s'y suicide beaucoup, et la misère humaine conduit à de bien vilains écarts. En février 1903, dans le village de Ropraz, la jeune et jolie fille du juge de paix meurt d'une méningite. Le surlendemain de ses funérailles, on retrouve son cercueil profané, son cadavre violenté et horriblement mutilé. Les craintes anciennes jusque là enfouies remontent alors à la surface, et on crie au vampire. Quelques semaines plus tard, dans la commune proche de Carrouge, l'instituteur local surprend des enfants jouant innocemment au football avec ce qui s'avère être une tête humaine: une autre tombe a été profanée. Le vampire frappera encore une fois dans un autre village, à Ferlens. La peur se répend partout. Il faut un coupable. À Ropraz, un soir, une fille de ferme surprend dans l'étable un homme commettant des actes contre nature sur une vache. Il sera désigné comme étant le terrifiant vampire. Incarcéré, il sera soumis au diagnostic d'un psychiatre. L'enfance de ce soi-disant vampire (on se saura jamais s'il a réellement commis ces crimes) met en avant les extrêmes auxquelles la misère humaine peut mener: actes de cruauté, violence physique et sexuelle, mauvais traitements imposés à un petit garçon de cinq ans. Une enfance destructrice. Libéré un temps, le "vampire" sera à nouveau emprisonné suite à une tentative de viol. Il s'évadera de prison en 1915, s'engagera dans l'armée française où on perdra sa trace... peut-être.
Un roman très court, à peine plus de cent pages, dont la brutalité ébranle le lecteur. On est plongé directement au fond de la nature humaine, dans ce qu'elle a de mauvais et brutal. On n'est épargné ni par les descriptions (celles, macabres, des cadavres, et celles, sans fard, d'une enfance sordide), ni par une mauvaise conscience qui naît à mesure de la lecture. Car si c'est un livre qu'on ne peut pas lâcher lorsqu'on l'a commencé, on se demande si la cause n'en est pas notre propre fascination pour le crime et la violence. Cette violence qui est mise en avant par un style conscis, un vocabulaire simple, si proche peut-être de l'époque, de l'endroit, des gens. On assiste en témoin invisible à toute cette misère, on en est malgré soi fasciné, et à la fin de la lecture, on pense avec peine qu'hélas, Le vampire de Ropraz n'est pas seulement le reflet d'une époque, mais celui de la nature humaine, car de tels actes et de tels comportements de certaines personnes envers d'autres n'ont pas disparu actuellement.