Bertolt Brecht

La vie de Galilée
Bertolt Brecht

« Aujourd’hui, 10 janvier 1610, l’humanité inscrit dans son journal : ciel aboli ». Ce cataclysme inaugure des temps nouveaux en ébranlant les tranquilles certitudes et en instaurant le doute. Cette pièce retrace la vie de Galilée, depuis la fabrication de sa première lunette astronomique, jusqu'à sa mise en résidence surveillée et la rédaction en secret de son Traité pour deux sciences nouvelles, qui jeta les bases de la science moderne. Mais si l’homme ne se trouve plus au centre de l’univers, il recouvre l’usage de la raison et de l’imagination. Les conséquences de ce formidable vacillement de la pensée sont au cœur de la Vie de Galilée.

Après deux ans passés à n'avoir fait qu'en entendre parler en cours, je me suis décidée à me plonger dans l'oeuvre de Brecht, que je connaissais surtout pour ses engagements politiques et son rôle révolutionnaire ( et néanmoins essentiel ) dans l'histoire du théatre. Eh bien tout sauf déçue
J'ai été lâche, j'ai lue cette pièce en français, et non pas en allemand, ce que je regrette, parce que son style à la fois incisif et poétique est un peu perdu, abîmé, mais ça je suppose qu'une fois qu'on a goûté au style d'un auteur en VO, une traduction fait toujours cet effet là. Celle-ci ( d'Eloi Recoing ) n'en reste pas moins fort honorable, et permet tout de même d'apprécier la pièce.

La pièce est composé de 15 tableaux, plus ou moins longs, plus ou moins espacés dans le temps, mais relativement indépendants les uns des autres : ils retracent les grandes étapes de la vie de Galileo Galilei, de 1609 à 1637. On le voit travailler comme universitaire à Padoue, puis vendre à la République de Venise la lunette astronomique découverte en Hollande, prouver la théorie de Copernic, découvrir les satellites de Jupiter... et surtout se faire choper par l'Inquisition, devant qui il plie et renie sa thèse.
Brecht montre un Galilée non-héroïsé au possible, du moins dans le sens classique du terme : homme de science, qui ne se préoccupe que de science, il ne recule pas devant une escroquerie ( il réussit quand même à se faire payer pour l'invention d'un autre ! ), il brise le mariage de sa fille en se disputant avec le fiancé et, suprême lâcheté aux yeux de tous : il trahit la science en reniant ses théories et en livrant le fruit de ses recherches à l'Inquisition. Mais on n'en souffre pas trop, en tant que lecteur : d'une part à cause du fameux "effet de distanciation" ( pétard, dix minutes pour retrouver l'expression en français ), qui nous le fait voir avec les yeux de la raison, et d'autre part, justement, parce que la raison nous souffle que le véritable héroïsme est ailleurs. Certes, Galilée a fait le blattier, mais il est resté en vie. Et qui vit peut écrire, qui vit peut perpétuer son savoir malgré l'Eglise. Le dernier tableau, où Andrea ( son élève, devenu adulte ), se rend compte que sa trahison était relative, qu'elle n'en était une que dans une certaine mesure, est d'ailleurs très beau.
Une réflexion magistrale sur le dogme et le progrès, sur la science et l'humain, sur la société en général. Derrière Galilée, c'est Brecht qui parle, c'est le révolutionnaire, et plus simplement, l'humaniste.

GALILEE : " [...]. On avait toujours dit que les astres étaient fixés sur une voûte de cristal pour qu'ils ne puissent pas tomber. Maintenant nous avons pris courage et nous les laissons en suspens dans l'espace, sans soutien, et il gagnent le large comme nos bateaux, sans soutien, au grand large. Et la terre roule joyeusement autour du soleil, et les poissonières, les marchands, les princes, les cardiaux et même le pape roulent avec elle."